Gisant de Rethy de Cianfarano.

Dame de Bonnieux Nombre de messages : 104 Date d'inscription : 17/03/2009

Chaque matin, à l'aube, Yluxe se rend, seule, sur la tombe de son époux. Ces quelques minutes qu'elle lui accorde lui sont devenues précieuses. Après une nuit où le sommeil se fait rare, elle goûte au plaisir de le retrouver, en personne. Âme contre âme. Bien que celle de son aimé appartienne désormais à un autre monde, plus solaire.

Chaque jour une nouvelle fleur. Chaque jour un nouveau parfum.
Chaque jour les même gestes et pourtant la même saveur, la même émotion, le même chagrin. Elle retire les pétales de la veille qui commencent à faner, hume la fraîcheur de la fleur coupée et la dépose sur son cœur de marbre. Puis elle se perd dans la contemplation de son visage, si beau, si lisse, trop lisse...Elle l'a tant aimé...

Enfin, elle remonte les marches de la crypte lentement, avec pour seul accompagnement le froissement de sa robe de soie noire et un vide intense au fond du cœur.

Mais ce matin, nouvel élan. La jeune veuve est passée au jardin de roses d'Iskander. Elle a choisi la plus belle, pleine de rosée. De délicats pétales rouges délicieusement entremêlés.

Et cette fois ci le silence lui est intenable.
Une énorme nostalgie l'envahit et sa voix tout à coup résonne sous les voûtes de la crypte.

Seigneur de Bonnieux Nombre de messages : 363 Date d'inscription : 17/03/2009

Il n'est pas aisé d'être mort.
C'est indécent.
Vulgaire.
C'est une aventure intéressante pour l'âme, mais quand on a aimé des corps, des fesses et des seins, c'est frustrant.

Elle chante bien, mon Yluxe. Je dis "mon", car elle est ma propriété exclusive. Elle pourrait même être courtoise avec d'autres femmes , hommes ou anges...Peu importe.

Je m'insinue dans son cerveau. C'est ma spécialité. La Tsine , elle met son esprit dans un tête de sanglier...Moi, je m'attaque à l'Essence même des choses.
Au Coeur du Tout.
Et comme depuis que je suis auprès d'Aristote, je m'exerce à l'Art Vocal... Hop, je lui lance la sauce des notes...

Vous êtes comme le coucher de soleil derrière une montagne, quelque part
Et quand je ne peux pas vous voir, je sais que vous êtes toujours là

Parce que mon cœur est le vôtre, je ne vous quitterai jamais
Bien que nous soyons éloignés je suis à vos côtés
Mon amour n'est jamais parti, je pense qu'il ressuscitera
À travers tout cela maintenant, mon coeur est à vous

Vous dites que je suis au clair de lune, je vous montre la nuit
Et quand vous ne pouvez pas me voir, je suis toujours là dans le ciel

Parce que mon cœur est le vôtre, je ne vous quitterai jamais
Bien que nous soyons éloignés je suis à vos côtés
Mon amour n'est jamais parti, je pense qu'il ressuscitera
À travers tout cela maintenant, mon coeur est à vous

Parce que mon cœur est le vôtre, je ne vous quitterai jamais
Bien que nous soyons éloignés je suis à vos côtés
Mon amour n'est jamais parti, je pense qu'il ressuscitera
À travers tout cela maintenant, mon coeur est à vous

Je pose à ma Femme un baiser sur la bouche. Parce qu'elle est fabuleuse, la coquine. Puis je file dans la Lumière. Espérons qu'elle ne prenne pas peur...Elle si rationnelle, elle ne va jamais croire qu'elle est devenue voyante.

Dame de Bonnieux Nombre de messages : 104 Date d'inscription : 17/03/2009

Agenouillée le long du gisant, ses lèvres posées sur les siennes, ses mains crispées sur celles de marbre, en une vaine étreinte; Yluxe émerge de l'irréel.

Il est des choses du domaine du songe que l'on ne peut expliquer.
Il est des secondes que l'on aimerait voir durer pour l'Eternité.

Rethy était là, juste là, à l'instant, elle l'aurait juré. Devant elle. Non...mieux...en elle.
L'a-t-elle rêvé, imaginé, vécu? Le rêve, bien sûr, quelle autre hypothèse...
Elle se laisse bercer encore de ce doux murmure, reprendrait bien le chemin des sphères ouatées, emplies de Lui.
Elle se rend à peine compte qu'elle est essoufflée, le cœur battant à tout rompre, la gorge sèche de celle qui vient de tout donner dans son chant.

Regard tendre sur le visage de pierre, sa main frôle l'ovale du visage.
Immobile?
Elle sent presque ses yeux la voir et la caresser, comme avant.

Désormais, elle sait.
Qu'il est là.
Qu'il l'a aimé et l'aurait aimée, toujours.
Qu'elle n'aimera jamais que lui.
Un soulagement.
Une déchirure.
L'éternité.

Advienne que pourra, elle vivra, avec Lui, où qu'il soit.
Il sera son astre solaire.

Une larme vient à mouiller le haut de sa joue.
Elle la laisse poursuivre sa route jusque la commissure de ses lèvres souriantes, l'attrape d'un coup de langue délicat, goûte au parfum étrange du sel, ni bon, ni mauvais. Juste témoin de son état émotif.

La rose apportée ressort dans ses mains, dans un froissement de jupe.
La crypte reste froide, dehors le soleil.
Dans son cœur, dans sa tête...son être entier résonne de sa voix.

Nous marchions sur une plage un peu comme celle-ci
C'était l'automne, un automne où il faisait beau
Une saison qui n'existe que dans le Nord de l'Amérique
Là-bas on l'appelle l'été indien
Mais c'était tout simplement le nôtre
Avec ta robe longue tu ressemblais
A une aquarelle de Marie Laurencin
Et je me souviens, je me souviens très bien
De ce que je t'ai dit ce matin-là
Il y a un an, y a un siècle, y a une éternité

On ira où tu voudras, quand tu voudras
Et on s'aimera encore, lorsque l'amour sera mort
Toute la vie sera pareille à ce matin
Aux couleurs de l'été indien

Aujourd'hui je suis très loin de ce matin d'automne
Mais c'est comme si j'y étais. Je pense à toi.
Où es-tu? Que fais-tu? Est-ce que j'existe encore pour toi?
Je regarde cette vague qui n'atteindra jamais la dune
Tu vois, comme elle je reviens en arrière
Comme elle je me couche sur le sable
Et je me souviens, je me souviens des marées hautes
Du soleil et du bonheur qui passaient sur la mer
Il y a une éternité, un siècle, il y a un an

On ira où tu voudras, quand tu voudras
Et on s'aimera encore lorsque l'amour sera mort
Toute la vie sera pareille à ce matin
Aux couleurs de l'été indien

Dame de Bonnieux Nombre de messages : 104 Date d'inscription : 17/03/2009

[Quelques semaines plus tard. Le 18 d'octobre de 1458. Jour d'anoblissement pour Yluxe, pour la succession de Bonnieux. Quelques sabliers avant d'apparaître en salle de bal.]

Il commence à se faire tard, elle ne doit pas traîner.
Elle descend prestement les escaliers la menant près du gisant de son époux et ouvre ses mains gantées pour déposer la rose pourpre sur le cœur de marbre.
Plusieurs mois qu'elle ne lui avait pas rendu visite. Un instant de silence, la veuve plongée dans le regard de pierre de Rethy.Vide.
Et soudain, son cœur prêt à exploser. Elle remonte les marches à l'air libre.
Ne pas pleurer.
Elle aurait de l'allure les yeux rouges, le fard ayant coulé et le nez irrité.
Un bref instant elle se retourne, avant de remonter dans le carrosse, plus nostalgique que jamais.

Sa main droite ouvre la sphère pour libérer un peu de parfum, et, d'une voix étranglée
Apt!

Nombre de messages : 186 Date d'inscription : 29/10/2009

Elle avait repoussé ce moment si longtemps, évitant même de venir à Apt, comme l'impression qu'un beau matin, elle y avait perdu sa place, sans qu'on ait besoin de le lui dire.

Mais les choses étaient ainsi faites, qu'elle était de retour. Elle aimait ces moments de solitude où elle se retrouvait seule avec elle même, mais elle n'arrivait pas à trouver endroit pour les vivres. Pourtant, elle en avait besoin, pour son propre équilibre. Et c'est sans doute ici qu'elle y arriverait le mieux. Mais pour ça, elle devrait aller le voir.

à Chaque fois c'était pareil, une fois l'entrée passée, elle s'imprégnait de l'atmosphère des lieux. Ferme les yeux .... respire .... effluves de souvenirs, doux ou tristes .... promesse d'avenir .... un sourire .... une larme ....

Enveloppée dans sa cape pour se protéger du vent et de la pluie hivernale, elle se dirigea vers la crypte. Allumant une torche, elle descendit les marches .... lentement .... silence pesant, silence reposant .... boule au ventre ... une autre larme ...

la voilà, arrivée ... fasse à cette masse de marbre.

Sa main caressa le marbre froid, un frisson lui parcourut le corps.

Rethy avait eu si rapidement confiance en elle, et il lui avait beaucoup donné alors qu'il ne la connaissait que si peu. C'était un grand homme, et il ne se passait pas un jour sans que quelque chose ne la fasse penser à lui. La moindre fleur, le moindre parfum .... il était partout, et elle savait qu'il veillait sur tout le monde de là où il se trouvait.

Elle ne trouva pas les mots, son cœur parlerait pour elle. Elle resta là de nombreuses minutes, puis avant de quitter les lieux, elle se pencha pour déposer une bise sur son front de glace en lui glissant à l'oreille, comme s'il était encore parmi eux

Ô Rethy, que tu nous manques!

Nombre de messages : 63 Date d'inscription : 16/05/2010

[Première descente à la crypte]

Elle n'avait jamais aimé les cimetières. Froids, lugubres et effrayants. La crypte ne devait pas déroger à la règle.
Mais ce soir là...
Elle était seule, errant comme une âme vagabonde dans les couloirs, alors que Monseigneur et Gabcha n'étaient pas encore rentrés du Conseil.
Bien envie de boire, oui mais voilà... Elle avait déjà bu. Boire plus n'aurait pas été raisonnable, la dernière fois qu'elle avait forcé sur la bouteille...
Elle s'était retrouvée assise sur la margelle d'une fontaine, pleurant comme un veau et racontant ses secrets les plus intimes à Mateù.
Son premier dessein était qu'il l'apprenne d'une autre manière, mais... Au moins maintenant, il savait tout.

Quand les vivants ne sont pas là pour vous tenir compagnie... Alors, les morts.
Elle n'était pas triste, non. Oncle Réthy, elle ne l'avait jamais connu. Oncle Kalanquin non plus.
Frustrée de ne pas les avoir connus... Mais pas triste.
Réthy et Kalanquin. Le premier était mort le 15 janvier, le second le 15 décembre. Et on était le 30 décembre, juste juste entre deux.
Le moment propice pour aller leur rendre visite.

Mais une visite ne s'improvise pas.
Il fallait se faire belle, si si, même pour des morts !
Elle aurait donné sa main à couper que de temps en temps, du haut de leur Paradis Solaire, ils devaient jeter un petit coup d'œil sur leurs gisants.
Au moins, ils ne risquaient plus de prendre des rides.

Que mettre lorsqu'on veut plaire à de quasi inconnus ?
Oui, car son but était de leur plaire. Désir vaniteux qu'il en était, mais elle voulait qu'ils sachent que la famiglia continuait à leur faire honneur.

Ce soir, elle irait voir Oncle Réthy.
Elle ne voulait pas reporter sa visite, car sans doute dans la nuit du 14 au 15 Tatoune voudrait être seule avec lui.
Les bottes en crocodile furent enfilées, ainsi que "la petite robe noire".
La petite robe noire qu'elle avait d'abord réservé à son premier repas mondain lorsqu'elle serait mariée.
Finalement non, Oncle Réthy valait mieux qu'un dîner.
Une goutte de "Prunille" au creux de la gorge, et quelques autres sur le bas de la robe, technique infailliblement cianfaranesque pour laisser un sillage olfactif derrière soi.
Descendre les escaliers, portée par une musique de star de boîte à troubadour géante.

Et doucement, se poser tout à côté du gisant, dont elle effleure la pierre du bout des doigts.

Vous êtes tout froid, Tonton...

Il fallait dire que le Pruneau était découvert. La robe était divine, mais peu adaptées aux températures de décembre.

Oncle Réthy, il faut que je vous parle de Gabcha.
J'ai peur pour lui, j'ai peur qu'il lui arrive comme ce qui vous est arrivé.
Qu'il soit malheureux, à cause de la politique... Enfin, cela, il faudrait peut-être que j'en parle à Oncle Kalanquin, mais...
Gabcha une robe haute-couture. On le dirait cousu d'une seule pièce. Il rayonne au Soleil et éclaire dans l'obscurité.
Et on pourrait le croire inébranlable. Il est conscient de son état de robe-haute couture. Il est une œuvre d'art, il le sait. Il s'expose, se montre, s'entretient.
Mais, voyez-vous, Oncle Réthy, j'ai peur qu'à force il ne s'use. Le tissu se détend, et les coutures lâchent.
Les couleurs dégorgent, comme ses yeux, la nuit passée.
J'ai peur de ne plus voir que quelques fils pour tenir les morceaux en place. Certes ces fils sont primordiaux, et ne le lâcheront sans doute jamais.
Ces fils sont Richelieu, son Autre. Véro, son Homme, Véro la couturière, qui souvent tente de recoudre les étoffes. Tatoune, le soutien discret mais infaillible, la Mère de tous les Cianfarano, Pillon, sa fille qui l'aime, et qu'il aime je crois, malgré certaines incompréhensions mutuelles, qu'un sourire suffirait cependant à gommer.
J'en oublie sans doute, des fils, et moi je fais de mon mieux pour espérer un jour rentrer dans le chas de l'aiguille.

Mais la politique... Je crains qu'elle ne nous éloigne. Au lieu d'être unis, nous nous querellons pour des vétilles. Pas directement, mais je sais bien que j'ai mon opinion, il a la sienne, et elles divergent souvent !

Un léger rire s'échappe de ses lèvres.

Pardonnez-moi, mon Oncle, votre nièce a un peu trop tendance à raconter tout ce qui lui passe par la tête...
Et vous ne pouvez me dire de me taire, comme je vous plains !
Mais je vais me taire, promis. Juste rester là... J'espère que cela ne vous dérange pas.

Elle sourit, un sourire bienveillant.
Regrette de ne pas avoir de fleurs...
De jolies fleurs en hiver, c'était difficile à trouver. Mais sans doute les aurait-il aimés...
Et il faudrait qu'elle revienne, un jour, en automne, déposer un gland et une feuille de chêne.
A la place, elle dénoua un ruban de satin, noir, qui servait à maintenir ses cheveux, et le glissa entre les doigts de pierre.

Pardonnez-moi, mon Oncle, c'est tout ce que j'ai à vous offrir.

Et délicatement, elle vint poser ses lèvres sur le front du gisant.
C'était un tout petit baiser, virginalement timide.
Puis elle se redressa, et attendit encore un peu.

Seigneur de Bonnieux Nombre de messages : 363 Date d'inscription : 17/03/2009

Un léger souffle entra dans la crypte.
Il écouta les belles pensées de Ladoce.
Il discerna la poésie et la délicatesse de Prunille.

Il en fut très ému.

Il s'approcha de la Comtesse et lui murmura...

Tu as une âme tendre et pure. Je veillerai à ce qu'elle ne devienne pas triste.

Puis, en un temps, il se dirigea vers Prunille et lui chuchota...

Il t'aime, le Gabcha. Comme il aime Pillon. Et je vais te dire un secret...Il est prévu, sur Le Parchemin du Destin, qu' une longue vie sur cette terre l'attend. Il mourra le même jour que son autre, Richelieu.
Je veillerai à ce que tu restes généreuse et folle, Prunille. Et il est hors de question que le Droit tue ton esprit.

Il sourit, puis partit de la crypte ...Le coeur en paix.

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