Arrivée de Rethy de Cianfarano

Rethy de Cianfarano s’était levé de bonne humeur. La soirée de la veille avait été plaisante et lui avait enlevé sa mélancolie morbide. Plus il avançait dans la vie, plus ses moments d’abattement étaient nombreux et violents. Il ressentait qu’un jour prochain, il se jetterait en haut d’une falaise ou se pendrait à un arbre.

Mais, en attendant, le ciel bleu printanier lui donnait plus l’envie d‘exister que de « squeletter ».

Il se lava avec soin, se parfumant le corps d’huiles essentielles de rose et de jasmin, revêtit sa tenue rouge et noire et contempla sa demeure : elle était vide. Plate. Morne. Banale. Sans vie.

Pourtant, il en avait vécu des moments important dans ce lieu : sa rencontre avec Yluxe et sa première nuit d‘amour, ses séances de tarologie, la mort de son fils Thod…La soirée antique. Mais il sentait, au plus profond de lui-même, qu’une nouvelle ère s’ouvrait.

Il sortit de la maison, la regarda une dernière fois, et dans un grand éclat de rire, donna toutes ses clés à un vagabond qui passait près de lui. Puis, toujours très souriant, il grimpa sur sa monture et parcourut dans une course folle les paysages virils et sensuels de sa Provence.
Le soleil était à son zénith quand il arriva devant le château de Riri. Il descendit de son cheval, attendant le garde avec impatience.

Rethy vit arriver un ange mystérieux: pas d'ailes, pas de lumière céleste...Seulement des énergies de Sérénité et d'Harmonie. Un peu troublé, il lui répondit...

Bonjour. Je crois que vous êtes Guihèn! Le Comte d'Apt m'a souvent parlé de vous, me vantant votre loyauté envers lui, votre sens de l'organisation inné ainsi que vos qualités esthétiques.
Je me nomme Rethy de Cianfarano. Votre Seigneur et moi-même parcourons notre belle Provence depuis moultes semaines, et j'ai décidé de vivre désormais en cette demeure. Je compte protéger mon Frère de Sang des aspects négatifs de la vie et lui offrir moultes distractions, ainsi que mon Amitié.
Pourriez-vous, je vous prie, me conduire auprès de lui. Je suis tellement enthousiaste à l'idée de le rendre heureux!

A ces mots, Cianfarano regarda la paume de sa main gauche: la plaie s'était encore réouverte. Il réajusta le pansement, tenta tant bien que mal de ne pas s'évanouir sous la douleur, puis d'une voix plus faible ajouta...

Quihèn...Vous n'aurez pas toujours des facilités à vivre dans mon entourage. Mais je puis vous assurer que je suis quelqu'un de bien.

Le Comte d'Apt lui avait parlé de lui ? Le capitaine se demandait bien en quelle circonstance.

Guihèn avait connu Ludovi enfant. Il était un peu plus jeune que lui et sortait souvent avec son grand frère Jean. Un jour qu'ils étaient tout les 3, il s'était jeté à l'eau, mais avait été emporté par le courant. Son frère et Ludovi avaient plongé à son secours, et c'était finalement Jean qui avait péri noyé.

Guihèn s'en voulait toujours, 10 ans plus tard et cette culpabilité ne le quitterait jamais. Des années plus tard Ludovi avait retrouvé sa mère, et avait quitté la fange pour les luxueux château. Il ne l'avait pas pour autant oublié, et avait reparut un jour.

Il était venu le voir et lui avait confié qu'il cherchait un capitaine pour sa garde. Il savait combien Guihèn rêvait d'être militaire mais sa condition de paysan ne lui permettait pas. Il lui avait donc offert sa formation, dans de prestigieux établissement aux quatre coins de l'Europe. Une fois sa formation fini il était revenu et avait juré fidélité a celui qui était devenu Comte d'Apt.

et j'ai décidé de vivre désormais en cette demeure.

Comment ? Il décidait d'habiter ici ? Sans l'accord express de son maître, ce Rethy de Cianfarano n'avancerait pas d'un pouce ! D'ailleurs ce nom n'était il pas celui du Marquis des Alpes Occidentales ? Tout ça était décidément très louche !

Et quelle était cette coupure à la main ? Un brigand ? un assassin ?

Quihèn...Vous n'aurez pas toujours des
facilités à vivre dans mon entourage. Mais je puis vous assurer que je
suis quelqu'un de bien.

Guhièn, pas Quihèn.

Que faire ? Le botter hors du domaine ? Non si il était véritablement un ami, il lui en cuirait. Le comte n'aimait pas la méfiance chronique de sa garde.

Messire, je me dois de vérifier vos déclarations auprès de sa Grandeur le Comte d'Apt. En attendant, passons au Salon si vous le voulez bien.

De son coté le Capitaine fit porter une missive en urgence à l'Evêché.