Si le voyage était long du Limousin jusqu'à la Gascogne et de Gascogne à la Provence, il permettait à la jeune femme de voir sa flétrissure cicatriser. Plus les jours passaient et moins elle sentait la douleur lui tirer sur l'épaule.
Depuis la veille déjà Rochefort l'attendait s'inquiétant qu'elle voyage seule mais ce n'est pourtant point seule qu'elle était puisque Jean était là et pour une fois, elle avait même désiré sa présence auprès d'elle.
"Mon fils nous allons voir un Cardinal de mes amis en Provence", lui avait-elle dit avant de continuer. "Changer d'air vous fera le plus grand bien, aussi vous aller enfin quitter le couvent".
C'est ainsi que pour la première fois depuis la naissance de l'enfant, elle avait décidé de non seulement passer le chercher au lieu de simplement lui rendre visite quelques heures, mais aussi de vivre avec lui ou plutôt de le laisser vivre auprès d'elle.
Il devait lui servir aussi elle n'hésitait pas à être douce avec lui. Chose assez aisée puisque l'enfant était calme, très calme, trop sans doute pour son âge mais une éducation stricte dans un couvent et une foi sans faille aidaient beaucoup.
Alors qu'ils avaient quitté Nîmes à l'aube et marchaient depuis des heures, ils commençaient à apercevoir Trinquetaille. Arles n'était plus très loin et une silhouette tapie dans l'ombre l'indiqua à la jeune femme. Elle aurait reconnu son acolyte même par une nuit sans lune et comme le soleil arrivait lentement à son zénith, le feutre, la démarche, le mantel ne faisait aucun doute sur l'identité de l'homme qui avançait vers eux.
Anne, Anne, Anne, , dit-il tandis qu'il pliait un genoux pour venir effleurer sa main de ses lèvres. Je craignais qu'il ne vous soit arrivé malheur mais je vois de mon seul oeil que ni vous ni l'enfant ne semblaient avoir subi les malfrats.
Alors qu'il évoquait Jean, Gatien offrit au jeune garçon son plus beau sourire. Tout rustre qu'il était il n'avait jamais réussi à ne pas aimer ce petit si abandonné dans l'existence.
Ils traversèrent Trinquetaille puis le Rhône ensemble avant de déjeuner dans une taverne arlésienne et repartir pour Apt. Rochefort avait fait atteler un équipage pour qu'ils arrivent plus vite.
C'est donc en milieu d'après midi qu'ils arrivèrent devant le guérite de garde du château de Ludovi de Sabran.
Anne s'avança dignement comme le font les femmes bien éduquées et se présenta.
Bonjour mon brave, je suis Anne de Breuil, Son Éminence attend ma visite ainsi que celle de mon enfant. Joignant le geste à la parole, elle poussa d'une main ferme Jean au premier plan afin que le garde l’aperçoive et s'en sourire en imaginant l'expression de son ancien amant quand à son tour il verrait celui qu'elle venait lui présenter comme leur fils.