Les jardins.

Line Vase se promenait en robe de mousseline blanche toute rebrodée de fleurettes roses quand elle vit le Doux Zarco dormir dans le jardin de Bonnieux.
Comme elle avait l'âme joyeuse en ce jour, elle s'approcha de lui, hésita, puis dans un grand fou rire, le prit par les pieds et le plongea dans la fontaine qui se trouvait pas loin de là.

Elle se dépêcha de rentrer au Château...Pour assiter au retour du Zarco tout trempé, et surtout...Deviner son corps au travers de la chemise et des braies mouillées.

Se retrouvant trempé et le souffle coupé, se réveil brutal le fit se débattre pour toucher enfin le fond avec ses pieds et se relever...

Qui avait pu lui faire une chose pareille... Entendant des pas au loin, il tourna la tête sans pouvoir la reconnaitre..

Zarco s'approcha du bord et sortit tranquillement..

Il prit le chemin du retour au chateau et de sa chambre pour se changer....

Rethy se mit à rire, et dit à Jeanne...

Vous avez raison...Tout est ordonné, car c'est la mode actuelle. Mais je me suis senti toujours plus à l'aise dans la nature sauvage.

Puis, après avoir contemplé le jardin, il continua son propos...

Votre soeur a l'oeil juste. Cet espace n'est pas entretenu à sa juste valeur. Et je dois avouer que j'ai tant de travail que je m'en occupe peu.

Il réfléchit, puis demanda soudain...

Mais Iskander...Et vous Jeanne...Et vous damoiselles...Vous ne voudriez pas devenir jardiniers en chef? Vous pourrez ainsi manger les légumes que vous désirez! Qu'en pensez-vous?

La solitude de Monseigneur Rethy me toucha encore une fois, me blessant presque par la douceur et la sérénité avec laquelle il l’exprimait.

J’allais accepter. C’était un rêve. Je pouvais faire de cet endroit la plus belle roseraie de la Méditerranée, aller jusqu’à Constantinople chercher des roses pour les ramener ici et …

... non. Je ne le pouvais.

J’avais promis. Et je ne pouvais avoir qu’une parole.

Jeanne était coite. Elle considérait les jardins, évaluant rapidement l’ampleur de la tâche.

Je vis leur beauté en devenir entre ses mains.

Je vis Blanche éberluée. Elle trouverait ici l'harmonie qu'elle cherche en toute chose, et le plaisir innocent d'en jouir.

Je vis Adèle, incrédule, elle qui luttait depuis des années pour nous préserver de la misère. Ce serait la chance de notre famille. Elle voyait ainsi la fin de toutes ses craintes.

Puis, tous les quatre, nous répondîmes ensembles.

Oui !

Oui, de tout cœur !

Oui, mille fois oui !

Non !

Mes sœurs me regardèrent, interdites.

J’avais le cœur gros. Mais il le fallait.

Je veux dire … je ne puis maintenant vous faire la promesse de me dévouer corps et âme à vos jardins, Monseigneur.

Je l’aimerais, je vous l’assure, et votre proposition me touche plus que je ne saurais le dire.

J’ai promis à mon maître de m’occuper de son aîné, de lui apprendre les choses de la vie.

Mon maître est en état de disgrâce. Il a été excommunié. Nombreux sont les gens qui ont été blessés par ses paroles et par ses actes. Lui même est tourmenté au possible.

Et son aîné a d’autant plus besoin d’être aimé, encadré et instruit.

C’est un garçon formidable. Mes sœurs le connaissent également, car elles m’ont relayé dans ses apprentissages.

Je pourrai peut-être trouver un moyen de concilier les deux, mais si tel n’est pas le cas …

Adèle me fusilla du regard.

Pauvre fou !

Tu vas à ta perte en restant avec un tel maître ! Et tu ne nous y entraineras pas !

Nous restons, Messire Rethy, mes soeurs et moi-même, et vous remercions infiniment pour votre offre.

Et sa réponse sèche me déchira l'âme.

Adèle, j'ai donné ma parole. Ma parole d'homme libre. Que vaut cette liberté que nous avons récemment acquise si je ne tiens pas ma parole ?

Parlons-en, de ta liberté, si tu la galvaudes en la donnant au premier venu !Ta parole à un excommunié ne vaut rien !

Je serais bien mal pris, moi qui fréquente si peu l'Eglise, de me réfugier derrière ses préceptes pour faillir à ma parole.

Puis Blanche intervint.

Iskander, peut-être pourrais-tu l'emmener ici ? Si Monseigneur Rethy accepte, bien entendu.. Il y sera sans doute mieux qu'il ne l'est en ville.

Tu sais bien que les gamins des rues lui jettent de la boue au visage quand ils le reconnaissent, tant la haine pour son père est forte.

Ici, il pourrait être protégé.

Qu'en dites-vous ?

Je pouvais difficilement le refuser.

Je me tournai vers Monseigneur Rethy, donc le visage exprimait ... un sentiment nouveau.

(modification de forme)

Rethy sourit...Altina était sa Filleule, et le fils de celle-ci était important pour lui. Il n'hésita donc pas...

Oui. Un grand oui. Alessandro pourra habiter ici s'il le désire, et je vous crois totalement apte à lui donner une éducation de qualité, loin des folies de la Ville.
Un enfant n'est en aucun cas responsable des folies de son père.

Cianfarano se tut un temps...Il n'avait jamais su si le petiot était le fils d'Edorazio ou de Tybalt, le beau brigand de Marselha. Peu importait, d'une certaine façon...Il continua...

Vous ne me froisserez jamais, Iskander. Vous êtes franc et avez un coeur en or.

Il ajouta...

Oui à Alessandro, oui aux jardins, oui à vos soeurs...Oui à une demeure sur les dépendances de Bonnieux?

Je vis Jeanne opiner vivement, Blanche faire des grands "oui" mimés et Adèle me défier du regard.

Je souris.

Oui, Monseigneur. Oui. Et merci.

Je cours en ville prévenir qui de droit et prendre Alessandro. Je reviens ce vendredi, sans faute.


Merci. De tout coeur merci.

Iskander embrassa Monseigneur Rethy sur les deux joues et s'en fut en galopant, le laissant aux mains de ses soeurs qui lui exprimèrent leur gratitude avec encore plus d'effusions que lui.

Mesdemoiselles, je dois vous laisser découvrir votre nouveau domaine.La maison se trouve vers le sud, après le petit chemin de terre. Elle est charmante et confortable!

Rethy de Cianfarano s'inclina devant toutes...Puis ajouta...

Je vous remercie pour vos sourires et votre joie de vivre. A très vite...Et bonne installation!

Sur le chemin du carrosse, une voix émane des rosiers.
Une voix qui exprime tout haut le fond de son âme. Exactement cela.
Non, elle doit rêver, encore un tour que lui jouent ses vieux neurones emmêlés. Une apparition, des voix cosmiques...un songe...un nouveau songe...
Elle s'approche d'une tige épineuse et se pique le doigt, une goutte de sang vient perler sur la pulpe de son index. Elle porte le doigt à ses lèvres pour la faire disparaître.

Le songe est donc réel, et le murmure se poursuit, parvenant à elle porté par le vent qui se lève. Plus assourdi, mais certains mots plus nets le discours lui parvient, par bribes.

Citation :

Roses..pas nées...Dame Yluxe....même en bien...m'attriste...dépouilles...couleurs...fini...

Fini, ce mot que son cerveau lui assène depuis ce matin sans discontinuer.
Fini, fini, fini, fini...
Elle cherche du regard celui -oui, c'est une voix d'homme- celui qui se confie au parterre de fleurs.

Et soudain derrière un rosier blanc encore très épanoui...elle découvre le berger charossier...
Les larmes roulant sur ses joues, il s'est tût.

Il lève les yeux vers elle, interrogateur, et cette question qui lui vient.

Elle hésite. Reste à quelques pas, le regarde, au fond des yeux. Elle l'avait déjà perçu comme cela, dans une lettre qu'il lui avait écrite peu de temps après la disparition de Rethy.
Dans son regard elle lit le même vide que celui qui habite son cœur.
Oh! Non...non ne vous en faites pas...le vent a emporté avec lui une partie de vos mots.

Elle baisse le regard, avant d'ajouter, la voix blanche
Votre peine...je...je comprends.

Elle se tait, se mord la lèvre. Retient ses larmes. Frémit.
L'air mouvant fait bruisser les branches des rosiers.
Elle lève ses yeux voilés vers l'azur provencal, un vol d'oiseaux, très haut.
Ils partent, loin, cherchant le soleil...