Arrivée de Tsintsin

Oursaring, qui se dirigeait vers la salle, se retourna en entendant Tsin. Il s'arréta donc, et l'attendit, afin de faire le chemin ensemble. Il lui chuchota au passage:

Vas falloir décider qui s'occupe de l'article sur ça!

Il soupirait. Le garde soupirait. Comme s'il était le maistre des lieux et que sa visite le dérangeait.
Tsine le regarda à la fois interloquée de le voir laisser ainsi paraitre son ressenti et agacée d'un tel comportement.
Puis son mal à l'aise fit sa réapparation : qui était-elle en effet pour se présenter ainsi, même détentrice d'une lettre d'invitation, elle petite paysanne qui n'avait de Noble que les mots qui sortaient parfois de sa bouche ?
Et puis après tout, qui était-il lui qui la détaillait pour juger du bien fondé de sa présence en ces lieux si son Seigneur lui l'estimait plaisante ?

Se ressaisissant et se mordant la langue pour ne pas lui envoyer de remarque désobligeante, elle ouvrit la bouche... mais ses mots restèrent en suspend, comme accrochés à ses lèvres, tant la surprise de le voir siffler une personne comme on sifflerait un chien la sidéra.

Se pourrait-il que dans une maison où transpirait la qualité on en oublia les bonnes manières, quelles que fussent les personnes qu'on y recevait ?

Elle préféra taire ce qu'elle pensait. Ce n'était point à elle en effet de faire quelconque remontrance, et de plus, si le garde se comportait ainsi c'est qu'il devait probablement en avoir l'aval de son Seigneur qui avait les idées encore plus larges encore qu'il ne lui avait semblait. Cette idée la fit sourire. Quelles surprises lui réservait encore cette maison singulière ?

Elle délaissa le garde impoli, préférant un silence courtois à une politesse feinte et malvenue mais lui esquissa un sourire en guise de remerciement. Elle ne devait pas perdre elle ses bonnes manières pour autant. Son regard se tourna alors vers la personne ainsi interpellée.

Elle avait vaguement entre-aperçu la Damoiselle froufrouteuse couleur de guimauve qui s'avançait au-devant d'elle lors de la cérémonie d'anoblissement. Et elle se demandait, ne connaissant pas l'histoire de la demeure et de ses habitants, comment elle avait pu arriver en ces lieux.

Une accent sortit d'on ne sait où lui déchira les oreilles et lui fit grincer les dents. Mais elle s'efforça de sourire et d'écouter attentivement pour comprendre ce que lui disait la jeune femme. Puis à l'entendre répondit :

Dame, je vous remercie bien de vous donner la peine de venir m'accueillir aussi chaleureusement afin de ne pas déranger outre mesure Messire Rethy. Mais vous me souciez : vous me dites qu'il est agonisant ? Comment etre en forme s'il est agonisant ? Aurait-il la mort joyeuse ? et pourquoi Loveane le hante-t-elle ? Je vous en prie, s'il vous plait, conduisez-moi prestement à ses cotés et expliquez moi cela en chemin.

Tsintsin se dit qu'elle avait dû ne pas tout comprendre et ne voulait pas paraître discourtoise en faisant répéter la femme en face d'elle.
Elle la suivit, un peu angoissée de trouver Rethy à l'article de la mort.
Et puis, que venait faire Lovéane ? La toute jeune fille lui avait envoyé un superbe poème sur un champs de bataille et la victoire contre la mort. Aurait-elle eu des prémonitions quand à l'état de santé de son grand-père adoptif ?
Elle avait vaguement appris que le Sieur pratiquait certains rites... spéciaux... peut-etre les avait-il enseigné à sa petite fille....
En temps normal ces pratiques ne l'intéressaient que peu voire pas du tout, mais là... se pourrait-il qu'il y ait eu de droles de coincidences ?
Tout cela n'était guère rassurant et c'est anxieuse qu'elle se laissa conduire par la jeune femme dont elle ne connaissait meme pas le nom.